Elvira Madigan
Poster un commentaire4 octobre 2014 par biblistudio
Elvira Madigan – Bo Widerberg – 1967
Séance : Mardi 10 octobre 2014 – 21h15
Elvira est funambule, Sixten est jeune officier dans l’armée suédoise. Elle quitte le cirque familial et la gloire, il laisse tomber femme et enfants et ils s’enfuient tous les deux pour vivre un amour absolu, exempt de toutes considérations morales, mais finalement impossible.
Il y a, dans les paysages filmés par Bo Widerberg, quelque chose qui rappelle la peinture des impressionnistes. La beauté des coquelicots qui colorent un champ d’avoine, la course d’un cheval noir à travers les dunes, un soleil d’été qui rase l’eau de la mer, sont des réussites (presque) unanimement soulignées par l’ensemble de la critique de l’époque. Mais l’image, si belle soit-elle, ne fait pas tout. Car même si les détracteurs du film saluent le style, ils l’opposent à l’échec du récit. Les reproches sont divers : ils vont de la mièvrerie sucrée qui entoure l’escapade amoureuse du jeune couple à l’indécence morale de ces adultérins qui ne semblent souffrir d’aucuns remords. « C’est beau la passion, très beau. Mais à ce prix-là, la beauté ne fait pas le poids. (…) Tant qu’on ne sait pas que le beau lieutenant a laissé femme et enfants, on tient les mignons pour des têtes folles mais tendres. Quand on le sait, on s’apitoie moins » [1] souligne Henry R. dans La Croix. Mais malgré toutes les réticences dont il nous fait part au sujet du propos, il ne peut s’empêcher d’applaudir la beauté des images. « Ces réserves faites, qui ne sont pas minces, il faut dire ce qui est : le film est une splendeur, je veux dire plastiquement. » [1] De son côté, ce qui dérange le plus A.G. c’est l’immoralité dans laquelle se répand l’histoire. On y parle d’adultère, de meurtre, de suicide… C’en est trop pour lui qui assène le film d’un avertissement « Cet amour-passion risque d’être pris comme un idéal auquel tout doit être sacrifié. (…) Spectacle qui demande d’expresses réserves. » Pourtant, comme les autres, il ne peut s’empêcher de louer l’image. « L’art du photographe sauve du ridicule certaines anecdotes hyperboliques. » [2]
Seul Michel Delahaye, dans Les Cahiers du Cinéma, ne trouve aucune grâce à ce long métrage, ni dans le fond, ni dans la forme. « Avec un scénario aussi fort, il était difficile de rater totalement le film. Mais ici, à la place de la spontanéité vraie ou de la reconstitution honnête, on a trop souvent la joliesse baveuse d’une poésie artificiellement rajoutée à grands coups de coloris sucrés. » [3]
Pour la plupart des autres, l’ensemble est cohérent et la beauté de la photographie ne fait que nourrir de façon romantique le tragique d’une histoire d’amour sans issue. « Il sera pardonné aux Suédois beaucoup de pellicule emmerdatoire, philosophico-sexuelle, pour cette histoire poétique, romanesque et romantique, si belle et si touchante » [4] écrit Michel Duran dans Le Canard Enchainé. Romantique encore pour Henry Chapier « l’écriture de Bo Widerberg est résolument symbolique : la chasse aux papillons, aux promenades solitaires dans les champs (…) il n’y a là qu’une longue chaîne de métaphores poétiques. » [5] Pour Jacqueline Lajeunesse « Le film est très beau, et cette histoire d’amour est traitée avec une sensibilité profonde, beaucoup de retenue et de pudeur vraie. » [6]
La dernière scène – inoubliable – tire toute sa force d’une image qui ne montre rien et laisse deviner dans la main d’Elvira qui suspend son geste en même temps que le coup de feu retentit, le point final d’une fuite amoureuse funèbre. « Cette dernière image d’Elvira Madigan, éternellement figée, obsèdera longtemps les mémoires » conclut André Cornand. [7]
L’ensemble des articles cités sont issus du fonds documentaire de la bibliothèque et sont à votre disposition pour une lecture complète.
[1] La Croix – novembre 1967
[2] Fiche de cinéma n°368 – novembre 1967
[3] Les Cahiers du Cinéma n°196 – décembre 1967
[4] Le Canard Enchainé – novembre 1967
[5] Combat – octobre 1967
[6] Image et son – La saison cinématographique 67
[7] Image et son n°211 – décembre 1967